Jean d’Ormesson
Comme un chant d’espérance de Jean d’Ormesson Editions Héloïse d’Ormesson - 2014 Jeand'Ormesson...
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Comme un chant d’espérance
de Jean d’Ormesson
Depuis
quelques années – au moins depuis Presque
tout sur presque rien (1996) – Jean d’Ormesson se passionne pour les
avancées et les mystères de l’astrophysique soutenue par les mathématiques.
Ce qui le
fascine, c’est ce "rien" duquel est sorti un beau jour, si l’on peut
dire, le grand "tout". Autrement exprimé, c’est cette frontière
absolue, admise par la quasi-unanimité des scientifiques, entre l’avant et
l’après big bang. Il paraît d’ailleurs que cette délimitation fondatrice a fait
dire à Jean-Paul II, lors d’un entretien avec un scientifique de premier
plan : "Donc nous sommes
d’accord ? Après le big bang c’est vous, avant, c’est moi."
Jean
d’Ormesson revient sur cette sidérante ligne de partage entre on ne sait absolument
pas quoi et on ne sait pas vraiment quoi non plus, tant notre univers est
complexe, qui semble en outre bel et bien se dilater à l’extrême, en même temps
que nos questions. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que parmi les produits
dérivés de la prodigieuse étincelle, jaillie voici quelque quatorze milliards
d’années, figurent au moins Jean d’Ormesson, vous qui me lisez et moi qui tente
d’écrire.
Pourquoi
donc sommes-nous là ou, pour reprendre la célèbre formule de Leibnitz : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que
rien ?
Le livre du rien
Le prétexte
que prend Jean d’Ormesson pour se colleter avec un tel livre, intitulé Roman alors qu’il se présente comme un
recueil de réflexions, tient au rêve de Flaubert : écrire un roman sur rien. Selon
Jean d’Ormesson, le grand Flaubert pensait en effet que "les livres ne survivent pas grâce aux histoires qu’ils racontent [mais] grâce à la façon dont elles sont racontées."
Donc un
roman sur le rien – mais quel rien ! Voilà bien un paradoxe à la Jean
d’Ormesson, qui semble tant les aimer et d’ailleurs les cultive, lui, l’homme
de droite qui a su se faire aimer de la gauche, et le croyant parfois sceptique.
Même si son livre ne donne pas d’informations nouvelles à ceux qui s’intéressent à la cosmologie – au demeurant ce n’était pas son objectif – il évoque les quelques données de base de la question, aussi inconcevables les unes que les autres. A commencer par le fameux mur de Planck, du nom du physicien allemand Max Planck, prix Nobel en 1918 pour ses travaux sur la théorie des quanta. Ce mur fascine Jean d’Ormesson et on le comprend.
Quelques
explications complémentaires paraissent utiles. Quand se déclenche le feu
formidable – l’adjectif est faible –, le "rien" devient soudain une
tête d’épingle d’une petitesse, d’une densité et d’une chaleur
inconcevables pour l’esprit humain, mais d’où surgiront pourtant les galaxies tout
entières – et finalement nous. Les scientifiques savent expliquer comment s’est
comporté cet invraisemblable amas d’énergie et de matière après l’explosion, mais
ils ne savent pas remonter le temps jusqu’au big bang lui-même, le temps ne naît
d’ailleurs qu’avec lui, puisqu’il est inséparable de l’espace et qu’avant le big
bang l’espace n’existe pas… Le rien "flottait" dans rien.
On peut
aller très loin dans cette remontée jusqu’au big bang, l’obstacle identifié par
Planck tient en vérité à presque zéro seconde : il faut en effet imaginer
un zéro suivi d’une quarantaine d’autres zéros avant que n’arrive un 1… Nous sommes à dix millions de milliardièmes de seconde
avant l’instant zéro du big bang.
Avant ce "temps",
durant cette période appelée l'ère de Planck, toutes les lois actuelles de la
physique classique comme de la physique quantique ne sont d’aucune utilité. Il
faudrait pouvoir disposer d’une théorie microscopique de la gravitation (on l’appelle la théorie de la gravité quantique), mais elle
reste encore opaque. Notre connaissance se heurte ainsi à un mur conceptuel.
La taille de notre univers, à cet instant-là, est de l'ordre
de ce que l’on appelle La longueur de Planck, c’est-à-dire approximativement 10-33
cm. Sourions un peu – ou affolons-nous
davantage : cela représente 0,000000000000000000000000000000001 cm !
Tout est enfermé dans ce quasi
rien : les galaxies dont un jour émergera la Terre, les trous noirs, vous,
moi. Tout, dans cette infinitésimale
membrane sphérique qui pèse environ 20 microgrammes…
Peut-on
comprendre ?
D’après les scientifiques, la température qui règne dans ce grain
de poussière prodigieux est de 10-32°C,
c’est-à-dire 100000000000000000000000000000000°C, ou autrement écrit, elle est
de 100 000 milliards de milliards de milliards de degrés Celsius…
Quant
au temps que nous connaissons, il n’existe pas dans le temps de Planck. Il est
ce que l’on appelle du temps complexe. La seconde, la minute, l’heure, le mois,
l’année, le siècle n’ont aucun sens. Le temps est en perpétuelle évolution.
De
l’autre côté du mur de Planck, le temps réel, tel que nous le vivons, est
mélangé au temps imaginaire (le temps zéro) : le passé, le présent et le
futur forment un seul et même temps. L’espace-temps, à ce moment-là, a
probablement une courbure infinie.
Vertigineux !
Comment
intégrer et même envisager de telles données ? Que penser de ce
"rien" préalable ? Et d’abord, comment quelque chose – et quelle
"chose" ! – peut sortir de rien ?
Jean
d’Ormesson nous dit : "Aux yeux
au moins des hommes enfermés dans le temps, Dieu, hors du temps et du monde,
n’est rien d’autre que rien. Mais comme ce rien, avant l’explosion primordiale,
constituait le tout, Dieu se confond aussi avec le tout."
Et
s’agissant de ce "rien",
l’auteur ajoute, ailleurs dans le livre : "Tout le problème, quand on se met à parler de ce néant dont,
selon Parménide, il est impossible de parler, est que cet autre chose[1]
doit être traduit dans la langue de notre monde et de notre vie."
L’Académicien,
par ailleurs Normalien et agrégé de philosophie, nous propose "une traduction" en se "gardant d’oublier que toute traduction
est toujours une trahison, et le plus souvent une erreur, une faute ou un délire."
Splendide hasard ou nécessité ?
Comme
le rappelle Jean d’Ormesson, "le
hasard suffit (...) à expliquer tout ce qui relève d’une évolution qui est la
clé de la vie (…) et à expliquer, au-delà de la vie, l’histoire de l’univers.’’
Mais "le hasard ne suffit pas à
rendre compte de l’espace, ni du temps, ni de ces lois d’airain qui font
tourner l’univers." Elles sont en effet stables et identiques d’un
bout à l’autre dudit univers.
Donc, la
nécessité ? Hélas ! l’idée de la nécessité elle-même pose autant de
questions qu’elle n’en résout "car
il n’y a pas de nécessité de la nécessité", rappelle Jean d’Ormesson.
Alors, "en face et à la place d’un hasard
aveugle et d’une nécessité qui serait surgie de nulle part, une autre
hypothèse, tout aussi étrange et à peine plus absurde, mais peut-être plus
rassurante, en tout cas plus romanesque et largement répandue, met au cœur du big
bang ce mélange de tout, de rien et d’éternité que nous avons pris l’habitude
d’appeler Dieu."
Une
nécessité en forme de Dieu qui donne un sens à ces cataclysmes en vérité très
structurés. On se souvient de la phrase d’Albert Einstein : "Dieu ne joue pas aux dés."
Que
pense notre écrivain-philosophe d’un Dieu d’esprit et de volonté ? Il
l’est "peut-être", nous dit-il,
mais s’il existe "il est surtout autre chose[2]
que tout ce que nous pouvons connaître. (…) Dieu ne peut pas être exprimé par
les mots dont nous nous servons sur ce grain de poussière minuscule, perdu dans
le gigantesque univers, où nous avons surgi, Dieu sait pourquoi."
Le
"Dieu sait pourquoi" est du pur d’Ormesson…
Si Dieu
existe, son "esprit n’a rien de
commun avec ce que nous appelons esprit (…) [sa] volonté n’a rien de commun
avec ce que nous appelons volonté."
Mais ce
Dieu "n’a pas pu décider de créer
l’univers" parce que "toute
hésitation, tout choix, toute délibération ne peut se dérouler que dans le
temps" et "le temps ne
coule pas dans l’éternité."
Alors,
dans la logique de son raisonnement, Jean d’Ormesson peut conclure : "La création du monde ne se situe pas à
un instant précis. Elle était décidée, elle était acquise de toute éternité."
Au sein
de cette stupéfiante mécanique de précision, l’homme était-il programmé ?
[2]
En gras de mon fait
L’homme est-il un enfant de Darwin ou
l’enfant de Dieu ?
Sur
notre Terre qui a environ cinq milliards d’années, vont se mettre en place,
deux milliards d’années plus tard, "les
débuts hasardeux et encore timides de la vie". De l’amibe unicellulaire
jusqu’à vous et moi, la fabuleuse aventure du vivant se déroule lentement en
direction de la pensée et de la conscience.
Mais sommes-nous
le pur produit de l’évolution darwinienne ? Ou avons-nous été l’objet d’un
choix divin ?
J’ignore
comment les autres religions se positionnent par rapport à Darwin, mais les
Chrétiens ont fini par admettre la justesse des travaux du fondateur de la
biologie moderne. La conciliation entre cette nouvelle science et la foi s’est opérée
subtilement, comme toujours avec le Vatican. Pour l’Eglise catholique, si
l’homme n’est pas le fruit du matérialisme, il n’est pas non plus le produit du
"dessein intelligent" dont la théorie a
été développée par le Discovery
Institute[3].
Le Discovery
Institute est un think tank de la droite
fondamentaliste chrétienne aux Etats-Unis.
Institué à Seattle en 1990, il constitue l'un des principaux organes de
promotion d'un mouvement néocréationniste connu sous le nom d'Intelligent Design. C’est le
créationniste américain Charles Thaxton
qui a introduit les bases du vocabulaire du dessein intelligent dans un
livre scolaire intitulé Of pandas and people. Il postule
que toutes les formes de vie apparaissent
soudainement, parfaitement constituées, sans étapes intermédiaires ni évolutives,
et que l'action d'un designer intelligent explique bien mieux cette
apparition soudaine que la science matérialiste.
À l'occasion du bicentenaire de la naissance de Charles Darwin, le
Vatican a organisé à Rome, en mars 2009, un colloque qui a réuni des scientifiques et des théologiens du monde entier pour débattre
d’une "approche
critique" de l'héritage du savant.
Lors de la conférence de presse de présentation du
colloque, le "ministre de la culture" du Vatican, Mgr Gianfranco
Ravasi à cette époque, a estimé que "l'exigence
du dialogue entre science et foi est de plus en plus importante, car aucune des
deux n'est en mesure d'épuiser la complexité du mystère de l'homme."
Mais ne voulant pas s’exprimer sur la théorie du
"dessein intelligent", il
a laissé intervenir le théologien italien Giuseppe Tanzella-Nitti qui, parlant "en son nom personnel", a critiqué "cette théorie qui cherche à déduire de l'observation empirique l'existence d'une puissance créatrice qui guiderait l'évolution." "Il y a confusion entre deux plans", scientifique et religieux, indiquait le théologien.
Pour l'Eglise catholique, a-t-il expliqué, "l'évolution est au fond la façon par laquelle Dieu crée."
L'Eglise est convaincue qu'"aucun des mécanismes de l'évolution ne s'oppose à l'affirmation que Dieu a voulu et créé l'homme" et que celui-ci est "le couronnement de la création" [4].
a laissé intervenir le théologien italien Giuseppe Tanzella-Nitti qui, parlant "en son nom personnel", a critiqué "cette théorie qui cherche à déduire de l'observation empirique l'existence d'une puissance créatrice qui guiderait l'évolution." "Il y a confusion entre deux plans", scientifique et religieux, indiquait le théologien.
Pour l'Eglise catholique, a-t-il expliqué, "l'évolution est au fond la façon par laquelle Dieu crée."
L'Eglise est convaincue qu'"aucun des mécanismes de l'évolution ne s'oppose à l'affirmation que Dieu a voulu et créé l'homme" et que celui-ci est "le couronnement de la création" [4].
Choisi comme tel, mais sans être créé subitement ni
spécifiquement, cet homme pensant qui est "le
couronnement de la création" est-il son ultime étape ?
Jean d’Ormesson nous dit : "Elle aurait tort (…), la pensée triomphante, de croire qu’elle
est le but et la fin de l’histoire. Notre passé se compte en millions et en
milliards d’années. Notre avenir aussi. Il n’est pas impossible que d’ici
quelques millions ou quelques milliards d’années – ou peut-être demain – sorte
de la pensée quelque chose d’aussi nouveau, d’aussi puissant et d’aussi
inimaginable pour les hommes que la vie pour les étoiles ou la pensée pour les algues."
Après tout, les dinosaures aussi ont été "le sommet et le chef-d’œuvre de la
création". Alors notre auteur "doute
un peu que le sort lointain des hommes soit beaucoup plus enchanteur que celui
des dinosaures."
Et il conclut : "C’est
drôle : s’il fallait parier, je parierais plutôt sur Dieu, tombé si bas
dans nos sondages, que sur les hommes si contents d’eux."
Un homme banalement mortel dans
un univers de hasard ?
Si fragile, très probablement fugace à l’échelle
cosmologique[5],
cet homme – nous – est-il pour autant immortel ?
l'Univers |
Mais aussitôt – on retrouve bien là notre Jean d’Ormesson
– il ajoute : "Personne, en
revanche, ne pense sérieusement qu’il n’y ait pas un abîme entre les méduses,
les scorpions, les araignées, et même les fourmis et les abeilles, si douées,
ou les singes, si subtils qu’ils puissent être, et ce que nous appelons les
hommes. En dépit de Darwin et de son transformisme, il y a une frontière
infranchissable et d’une clarté surprenante entre les autres créatures vivantes
et nous."
C’est l’esprit en somme, ou plus exactement notre
capacité à penser de façon "adéquate", aurait pu dire Spinoza pour
qui vivre est
expérimenter que nous sommes éternels, car notre puissance à exister n’est pas
réductible à notre existence, c’est-à-dire à la disparition de notre corps.
Expérimenter que nous sommes éternels, c’est agir en concevant que notre partie
"intensive" – singulière à chacun – ne saurait se réduire à nos
parties "extensives". La partie intensive est l’essence, c’est-à-dire le degré de
puissance ou d’intensité.
[5]
Le Soleil, de toute façon, en
est presqu’à la moitié de sa vie, il explosera dans environ 5 milliards
d’années…
Que dit
Jean d’Ormesson sur cette idée d’immortalité ?
Il répond
sans répondre… Il rend hommage au "bon
Baruch de Spinoza qui, avec Descartes et Leibnitz, entre Platon, Lucrèce et
Kant, Hegel, Heidegger, est un de ceux qui se sont interrogés avec le plus de
profondeur sur l’univers et les hommes."
Mais,
comme le dit Deleuze dans son premier ouvrage consacré à Spinoza, il faut distinguer immortalité, durée et éternité.
L’immortalité suppose que quelque chose succède à la vie : Spinoza n’y
croit pas et d’Ormesson, je l’ignore. La durée concerne soit le corps
uniquement, soit l’esprit uniquement en ce qu’il possède des parties périssables
que sont l’imagination et la mémoire[6].
L’éternité enfin, parce que l’essence coexiste avec l’existence, qu’elle
l’enveloppe[7].
En
vérité, Jean d’Ormesson répond à la question en posant une question… : "Faut-il soutenir que la pensée, le
langage, le goût de la vérité et de la beauté, le sens du bien et du mal (…) [suffisent] à assurer toute la différence, après la
mort, entre rien et l’espérance de quelque chose d’ineffable." Au
total, nous dit-il, "tout se joue
sur cette ligne de partage entre le néant (…) travaillé par le hasard et Dieu."
Ou,
autrement formulé : "D’un côté,
la certitude de l’absurde. De l’autre, la chance du mystère."
Jean
d’Ormesson choisit Dieu – on l’avait compris : "Beaucoup, tout au long de l’histoire (…) ont
choisi l’absurde. Avec ses conséquences. Il y a de la grandeur dans ce choix.
Du désespoir. De l’orgueil (…). Peut-être par tempérament, parce que j’ai aimé
le bonheur, parce que je déteste le désespoir, j’ai choisi le mystère."
[6]
Ethique, V-21
[7]
Ethique, V-30
Dieu au
travers des hommes.
Jean d’Ormesson choisit Dieu non seulement parce qu’il "déteste le désespoir" – à mes yeux, ce trait de caractère fait partie de
ses qualités – mais pour d’autres raisons aussi, bien sûr, où se mêlent la
réflexion, l’affect et plus que tout, me semble-t-il, l’amour de la vie et de
la beauté.
Jean d'Ormesson |
Par
affection, parce que "le fils de
l’homme", comme se dénommait lui-même Jésus, l’émeut, le touche dans son
être profond et parce que Jean d’Ormesson est "de ceux qui croient qu’il est très beau mais très difficile et
assez désespéré d’aimer les hommes sans aimer Dieu.’’ Mais inversement, "Dieu sans les hommes est un rêve vide,
très proche de rien, un néant infini, une éternité d’absence. (…) Il mène à
l’intolérance, à une espèce de folie et souvent à l’horreur."
Et puis Jean d’Ormesson opte pour
Dieu au nom de l’amour de la vie et de la beauté. "Ce que j’ai le plus aimé dans ce monde où j’ai déjà passé pas mal
de temps, c’est la lumière." Elle lui a "toujours semblé murmurer en
silence quelque chose de Dieu".
C’est aussi parce que si "Dieu
se dissimule dans ce monde (…) il se manifeste soudain – parfois de façon
surprenante – avec une sorte d’évidence et d’éclat.’’
Dans son mémorial personnel des rencontres éclatantes avec
Dieu, Jean d’Ormesson cite tout aussi bien l’évangile de saint
Jean que le temple de Ramsès II à Gournah, "Rome tout entière", les portes du baptistère de Florence par Ghiberti, "presque tout Ronsard", le
tombeau d’Humayun à Delhi, le Messie de Haendel, "presque tout Baudelaire", les calanques de Porto en
Corse, "un enfant, soudain, n’importe où"…
Ce sont des émotions d’écrivain, de poète, des raisons d’esthète
– mais d’abord, et très profondément – des joies d’homme amoureux de la vie.
Aussi reste-il, au terme de Comme un chant d’espérance, une sorte de psaume, en tout cas une
mélodie à la gloire de la vie et du monde, malgré le mal qui est apparu avec
les hommes et dont on continue de se demander si lui et "la souffrance (…) ont le moindre sens."
Au terme de ces réflexions et remarques tour à tour denses et
légères, mais comme on le dirait d’un sourire qui ne raille pas mais souligne,
avec autant de bienveillance que d’ironie douce, les aspects incompréhensibles du
monde et nos bêtises, il reste la petite musique propre à Jean d’Ormesson. Elle
est brillante, joyeuse, à mille lieues des apitoiements sur soi, par cette
délicatesse et cette politesse qui n’appartiennent qu’à lui – ou presque.
En tout cela, Jean d’Ormesson est un auteur particulier et un
homme rare.
Thierry
Martin