«Ainsi soit-il», Gainon/Nalbandian
« Ainsi soit-il » Jacqueline Gainon, Sans-titre , huile sur toile, 2013 Cette exposition répond au principe posé par Eva Vau...
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« Ainsi
soit-il »
Jacqueline Gainon, Sans-titre, huile sur toile, 2013 |
Si
Jacqueline Gainon a choisi ce titre, « Ainsi soit-il », pour raconter
par l’image une histoire de famille, il sied parfaitement à l’ensemble de la
prestation des deux artistes pourtant si différentes, car chez Gainon comme
chez Nalbandian, les choses sont ainsi, fortes, profondes, et j’ai envie de
dire, évidentes sans nécessaires discours, mais alors, que deviendrions-nous,
pauvres gens de l’écrit, si l’art parlait toujours par lui-même ?
La
qualité des travaux présentés donne aux textes qui les accompagnent, je pense à
Catherine Macchi pour Jacqueline et à Ondine Bréaud-Holland pour Frédérique, la
particularité ne pas être explicatifs ni verbeux, mais au contraire, à l’écoute
de ce que la peinture et les objets racontent avec un indéniable talent…
Jacqueline
Gainon
J’ai pour le travail de Jacqueline Gainon une indéfectible admiration qui m’avait conduite à la choisir pour l’une des expositions que j’ai organisées pour la galerie Norbert Pastor, hélas, trop vite disparue. Son exposition « Entrez dans la ronde » évoluait, un peu comme celle qui nous occupe aujourd’hui, autour de l’intime, de l’enfance avec tout ce qu’elle porte de mystère, d’enchantement et de cruauté.
Jacqueline Gainon dans « Ainsi-soit-il » enfonce
le clou (sans jeu de mots) et dit par sa peinture, avec maestria, ce que les
mots peinent à exprimer, cette ambivalence d’un bonheur où s’inscrit, déjà, la peur de la perte.
Jacqueline Gainon, Sans titre, huile sur toile, 2013 |
Mais revenons à la peinture, elle est grandiose ! Jacqueline, qui s’est brillamment fait connaître à une échelle européenne dans les années 80, par des expositions organisées par la galerie Joachim Becker de Cannes, et plus modestement par une présentation en 1983 de formats si grands que je n’avais pu les accrocher que dans mon jardin de la galerie Lola Gassin, a continué à peindre et à enseigner la peinture sans qu’on lui offre la juste reconnaissance que mérite son travail.
Bien qu’ayant pris place dans quelques collections
publiques (Musée Picasso, Antibes, Musée d’Art Moderne et Contemporain, Nice,
Musée de Toulon…), l’œuvre de Jacqueline Gainon,
pénalisée par la disparition successive de galeries qui l’ont soutenue,
ostracisée par les choix d’une intelligentsia ayant perdu le goût du regard au
profit de l’affectation du discours (qui se soucie aujourd’hui de Luciano Castelli,
Rainer Fetting, avec lesquels elle exposait), renaît chez Eva Vautier dans
toute sa splendeur !
Jacqueline Gainon, Sans titre, 2013 |
Avec la série rouge, tout aussi somptueuse quant à
la couleur, j’ai voyagé en pays connu. J’ai retrouvé, à peine grandies, les
étranges petites filles que Jacqueline Gainon avait mises en scène dans son
exposition « Entrez dans la ronde » dont j’ai été commissaire pour la galerie Norbert Pastor *
Frédérique Nalbandian
Frédérique Nalbandian, Charge, verre, plâtre, 2014 |
Ce que nous montre Nalbandian, c’est l’intérêt qu’elle
porte à l’écoulement du temps. Il s’agit toujours de plâtre, de savon, de cire*,
mais sans le recours à l’installation comme ce fut le cas
dans son exposition en 2006, à la galerie des Ponchettes. Galerie Eva Vautier, l’exercice est plus difficile et, à mon avis, plus
convaincant car c’est avec de petites pièces que l’artiste affine son propos et, nous le savons (sans jeu de mots), less
is more ! Moins grandiloquentes que les gigantesques filets d’où
s’écoulait le savon (installation des Ponchettes), les
sculptures présentées ici abordent divers
questionnements propres à la sculpture : celui du contenant et du contenu (le verre à demi
brisé d’où s’écoule le plâtre), des formes érigées dans l’espace, de celles qui
choisissent les murs…Un exercice délicat que Frédérique charge d’une extrême
poésie.
* Frédérique Nalbandian me signale qu'elle n'emploie plus la cire aujourd'hui... Qu'elle veuille bien m'excuser...
* Frédérique Nalbandian me signale qu'elle n'emploie plus la cire aujourd'hui... Qu'elle veuille bien m'excuser...
*
Jacqueline Gainon présente un travail récent sur le thème de l’enfance.
Elle explore cet univers mystérieux et
fragile de son œil de peintre. Ses petites filles et ses petits garçons, représentés
à peu près à l’échelle humaine sur des toiles de deux formats identiques, nous
révèlent, telles des icônes, leur
solitude et leur altérité.
Jacqueline Gainon travaille sur ce
thème depuis des années, le laissant et le reprenant sans cesse afin de lui
apporter une distance nécessaire et ce qu’elle appelle « du
silence ». S’il y a une part d’elle-même dans ses modèles, son travail
s’attache avant tout à déceler cette fêlure qui est dans tout enfant.
Quant au titre « Entrez dans la Ronde », ce sont les mots d’une
comptine et Jacqueline Gainon souhaite que son exposition ait la légèreté d’une
chanson : « Que ça paraisse léger mais que, lorsqu’on regarde la peinture ça le devienne moins ! Une invitation à
entrer dans l’histoire, à se laisser aller à l’émotion sans trop de
discours. »
Jacqueline Gainon, qui vit et
travaille à Nice, fait partie de cette génération d’artistes qui dans les
années quatre-vingt, a réinvesti le mode pictural. Elle assume la
réintroduction de la figure dans sa peinture, mais dégagée de tout académisme. Contrairement à certains artistes
de la décennie suivante qui ont chanté la mort de la peinture, elle a suivi
cette ligne sans s’en écarter. Si durant plusieurs années cette attitude
rigoureuse l’a privée de la renommée tapageuse d’attitudes post-conceptuelles à
la mode, elle lui permet
aujourd’hui de revenir en force sur le devant de la scène artistique.
HJG
HJG