«Temps suspendu », Elias Crespin
Circuconcéntricos Fluo Bleu, 2013 Plexiglas, nylon, moteurs, ordinateur, interface électronique 100 cm diamètre Installation. Mu...
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En
commençant par : « Je n’ai jamais rien compris aux mathématiques »,
je saute à pieds joints dans le débat sur le genre, tant à la mode aujourd’hui,
et n’en déplaise à Elisabeth Lévy (en fait vous voulez toucher aux catégories
masculin-féminin), et à Clémentine Autain (oui, et alors ?), j’ai,
sur le sujet, mon petit mot à dire. En effet les mathématiques et moi nous ne
nous sommes jamais entendues. Autain dirait : « Normal, en tant que
fille, vous avez été formatée à cette idée ». Peut-être… sauf qu’aucun de
mes trois frères n’a échappé à cette malédiction familiale ! Alors
laissons de côté les théories sur le genre, qui me paraissent aussi fumeuses que
politiques, pour revenir à l’art, notre sujet.
Pourquoi
alors cette digression ? Parce qu’Elias Crespin est un sculpteur d’algorithme (titre de son
entretien avec Amélie Adamo). Il sculpte avec ses
algorithmes (programme de séquences rythmées gérant la mise en mouvement des
œuvres), un peu comme un poète joue des mots ou un musicien de son instrument
(sic).
On
pourrait appliquer à Elias Crespin le proverbe « Les chiens ne font pas
des chats », tout d’abord parce que sa grand-mère, Geco, a été une grande personnalité
de l’art cinétique au Venezuela. Aussi, parce qu’enfant, ses parents, tous deux
mathématiciens, ont préféré lui offrir un Apple 2 plutôt qu’une boîte de
crayons, alors que l’enfant aimait dessiner et se destinait à être architecte.
Résultat : sa passion pour l’architecture est devenue celle de
l’informatique ! Il découvre tout ce que lui offre ce nouvel outil :
« C’étaient des appareils un peu archaïques, mais on pouvait faire des
choses fascinantes : créer des logiciels, calculer comment un ensemble de
nombres permettait de placer des points de couleur dans l’écran, puis de les
mettre en mouvement. (…). »
Si
ce savoir lui permet de travailler pendant vingt ans dans des entreprises, il n’a
pas comblé ce qu’Elias pressent : « Toute cette beauté des
formes, des fonctions, des nombres n’était pas vraiment là. C’est donc cela que
j’ai tenté d’explorer par la suite, à partir d’une idée que j’ai eue en voyant
une œuvre de Soto. » Ce choc arrive en 2000, lors d’une rétrospective de Geco
au musée de Caracas. Elias tombe sur une œuvre de Soto, Cube virtuel, réalisée avec des fils de nylon colorés et se
dit : « Ce serait merveilleux si une chose pareille pouvait bouger… »
Circuconcéntricos Blanco P/A, 2011
Dibond, nylon, moteurs,
ordinateur, interface électronique
100 cm diamètre
© Elias
Crespin. Photographies Pascal Maillard
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Une fois toutes ces explications forcément empruntées à l’auteur puisque sur le sujet j’ai déjà avoué mon incompétence, il me faut vous dire combien l’exposition de la Galerie de la Marine est fascinante et combien son titre, « Temps suspendu », correspond à mon ressenti, à l’instant où je quittai l’agitation de la rue pour pénétrer dans ce monde subtil, géométrique sans raideur puisque animé d’imperceptibles mouvements.
Parler
d’inscription dans l’héritage d’une tradition abstraite constructiviste et même
d’une abstraction minimaliste est loin d’être une hérésie ; il y a cette
rigueur dans les quatre pièces présentes dans l’exposition, mais c’est sans
compter sur l’intervention d’Elias Crespin qui, en magicien des formes, les anime
pour leur faire danser un infime ballet, musicalement orchestré par Jacopo
Baboni-Schilingi.
Je
cède, une fois encore, au plaisir de vous faire entendre les mots d’Elias
Crespin qui, mieux que tout autre discours, définissent son travail : « (…)
Je n’utilise pas de système de représentation mais parfois je trouve des formes
qui peuvent suggérer, ouvrir aux interprétations. Par exemple, il y a des
formes qui sont pour moi simplement des ondulations, mais que l’on peut
imaginer comme étant le mouvement d’une vague, du vent, de la terre ou d’une
onde de lumière. Mais tout ça, je ne le représente pas directement. Je laisse
mon travail inspirer à chacun ses idées, ses connexions avec son imaginaire
propre. Après, bien sûr, il y a quelque chose de commun qui nous vient du monde
des idées et du monde des âmes. (…) »
La
richesse de l’œuvre d’Elias Crespin vient de cette rigueur mathématique à
laquelle l’artiste a insufflé ce supplément d’âme.
Les fragments de textes sont extraits de l’entretien avec Amélie Adamo, paru dans Art Absolument
N°49,
septembre-octobre 2012
gentil mot de remerciements de Martine Meunier
RépondreSupprimerun mot de Elias Crespin sur mon article :
RépondreSupprimer"Magnifique! Merci de ta réflexion et belle description sur mon travail "
Bien à toi!
Elias
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