Les Aventures de la vérité

Les Aventures de la vérité Peinture et philosophie : un récit Philippe de Champaigne, Vanité, Bruxelles 1602 -Paris, 1674 ...



Les Aventures de la vérité
Peinture et philosophie : un récit


Philippe de Champaigne, Vanité, Bruxelles 1602 -Paris, 1674
Il y a plusieurs façons de voir l’exposition d’été de la Fondation Maeght : la visiter avec les happy few du dîner de vernissage ; la partager avec la foule invitée le lendemain ou bien choisir, durant l’été, la date la plus propice pour déambuler dans ce lieu qui, quelles que soient les œuvres présentées, offre un plaisir des yeux inégalable tant il est, depuis toujours, un écrin propice à la création.
J’ai choisi cette troisième voie, et je m’en félicite car elle m’a évité un trop grand voisinage avec les simples curieux, là parce qu’il faut y être, et plus encore lorsqu’on sait que celui qui en est l’artisan n’est autre qu’un des personnages les plus médiatiques de notre intelligentsia, Bernard-Henri Lévy, le penseur, le philosophe, l’homme d’action, qui se livre là à un exercice inédit, donc périlleux dans ce monde de l’art qui n’aime pas trop qu’on bouscule ses codes.
Agnolo di Cosimo, dit le Bronzino,Crucifixion 1540
Je n’ai pas voulu, non plus, lire le chapelet d’articles qui s’en font l’écho, même s’il m’est difficile d’échapper aux nombreuses unes ou pleines pages consacrées à l’événement.
Pourquoi cette distance ? Eh bien pour garder, je crois, un œil neuf, et éventuellement, une émotion vierge de toute influence autre que celle de l’auteur de cette exposition : Les Aventures de la vérité, accompagnée non pas d’un catalogue, mais d’un livre dense que j’ai parcouru cet été.
En ai-je saisi le fil conducteur, je crois que oui ; toute l’argumentation, je ne le pense pas ; mais ce dont je suis certaine, c’est d’un plaisir intense et non lié, fait curieux, à l’intelligence du propos, mais à la sensibilité des choix d’un homme qui s’est finalement moqué de l’opinion dominante pour aller vers ce qui est, pour lui, l’essentiel : la vérité dans l’art.
Bien sûr, on peut dire avec certains que l’accrochage n’est pas harmonieux, mais comment accorder des œuvres aux signifiants, tailles, textures, époques aussi différents ? Seule l’argumentation fait le liant et elle se fait parfois un peu tirer l’oreille…
Dans La Fatalité des ombres, par exemple, au-delà du cartel qui justifie les choix, il est bon de se référer au livre qui détaille le propos. La Caverne de Platon, comme il se doit, y figure en bonne place, que ce soit l’œuvre du XVIème siècle, attribuée à Michel Coxcie, ou celle créée en 2009 de l’artiste chinois Huang Yong Ping… Mais que signifie la présence de Diamond dust shoes, 1980, d’Andy Warhol, « cinq souliers dans le poudroiement argenté de la toile » (je cite) ? Evoquent-ils, par leurs infinies variations de noirs et de gris, les traces de piétinements passés ? Même propos dans Ghost (Archéologie du Vide) de Tatiana Trouvé, une petite pièce faite d’un élément mural et d’un socle à terre, sorte de ber d’une sculpture qu’elle suggère ou encore dont elle garde la trace…
Pour exprimer les rapports de la peinture et de la philosophie, Bernard-Henri Lévy a construit son exposition en sept séquences : la première, que je viens de citer ; la deuxième, Technique du coup d’Etat ; la troisième, La Voie royale ; la quatrième, Contre-Etre ; la cinquième, Tombeau de la philosophie ; la sixième, La Revanche de Platon ; la septième, Plastèmes et philosophèmes. Cependant, plutôt que de suivre cette chronologie et m’aventurer dans une traduction maladroite d’une pensée clairement formulée par l’auteur, j’ai préféré donner libre cours à une perception vagabonde, suscitée à la fois par la beauté des œuvres et par le souvenir d’émotions passées.
Anselm Kiefer, Alkahest 2013
Est-ce cette abondance de peintures aux cimaises de la Fondation qui évoque pour moi le Palazzo Pitti et ses tableaux serrés les uns contre les autres, du sol au plafond ? Ou encore, la beauté de cette Crucifixion d’Agnolo di Cosimo qui me rappelle d’autres Bronzino, portraits d’enfants d’une noblesse florentine, accrochés dans le grand escalier des Uffizi ? La Vanité de Philippe de Champaigne n’est-elle pas là, elle aussi, pour que me revienne en mémoire cette première peur de la mort, qu’enfant je rencontrai face à une peinture, au détour d’un couloir ? Souvenirs de frayeurs, de délices et même d’ennui procurés par une fréquentation obligatoire de musées au nom d’une culture dont je ne comprenais pas toujours la richesse… je vous retrouve ici, comme si les aiguilles du temps s’étaient mises à tourner à l’envers…
Jacques Martinez,Triomphe de la philosophie 2013
Pourquoi parler si peu des œuvres contemporaines ? C’est vrai, et pourtant j’en ai reconnu beaucoup, essentielles pour certaines, pour d’autres moins, mais ce n’est pas simple de matérialiser un musée imaginaire…Certaines m’ont surprise, Série The Bathers – The Photographs de Deganit Berest ; Bouquet de fleurs pour les morts de Yan Pei-Ming ; Upstairs and Downstairs de Dinos et Jake Chapman ; d’autres m’ont touchée, comme Alkahest d’Anselm Kiefer ou Triomphe de la philosophie de Jacques Martinez… mais que voulez-vous, c’est à Bernard-Henri Lévy qu’il faut faire la remarque, les plus belles œuvres choisies ici sont celles du passé !

Hélène Jourdan-Gassin



Philippe de Champaigne, Vanité, première moitié du XVIIe.
Huile sur bois, 28 x 37 cm.
Musée de Tessé, Le Mans
© Photo Musée du Mans ;
Agnolo di Cosimo, dit le Bronzino, Crucifixion, c. 1540.
Huile sur panneau de bois, 145 x 115 cm.
Collection de Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice
© Ville de Nice, photo Muriel Anssens ;
Anselm Kiefer, Alkahest, 2013.
Huile, émulsion, acrylique, gomme-laque, charbon, sel et métal sur toile, 190 x 380 cm.
Galerie Thaddeus Ropac, Paris/Salzburg
© Anselm Kiefer - Photo Charles Duprat ;
Jacques Martinez, Triomphe de la philosophie, 2013.
Technique mixte, 249 x 270 x 130 cm.
Collection de l’artiste
© Photo François Fernandez / Droits réservés.

 Exposition jusqu'au 11 novembre 2013

Fondation Maeght 
06570 Saint-Paul de Vence

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