Gilles Miquelis
J'ai choisi pour illustrer l’exposition « Bonjour Monsieur Matisse ! », de mettre en tête de mon texte une grande toile bucolique de Gil...
https://lolagassin.blogspot.com/2013/11/gilles-miquelis.html
J'ai choisi pour illustrer l’exposition « Bonjour Monsieur Matisse ! », de mettre en tête de mon texte une grande toile bucolique de Gilles Miquelis. J'ai mentionné à ce sujet qu'il faisait partie de la nouvelle génération d'artistes niçois, non estampillés "Villa Arson"... Pour mieux vous faire connaître cette œuvre que je défends farouchement même si elle parle très bien par elle-même, je publie ici une œuvre plus ancienne de l'artiste et un texte que j'avais écrit à l'occasion de son exposition dont j'étais commissaire pour la galerie Norbert Pastor à Nice, en 2007 et pour la galerie Marlborough à Monaco, en 2012.
A propos de l’ego
HJG : Il semble que tu n’es pas présent dans ta peinture. Où est ton ego ?
Gilles Miquelis : Il y a une forme de pudeur mais aussi de voyeurisme dans le fait que je me tiens en dehors du sujet. Il y a un recul face à l’état de crise de mes personnages, mais pourtant je m’engage de plus en plus dans ma peinture. Il me semble qu’avant j’étais plus dans l’apparence alors que maintenant, notamment dans ces peintures de couples, je m’attache à entrer dans l’intimité des gens.
A propos de l’impudeur
HJG : peut-on dire que tes personnages qu’ils sont impudiques » ?
G. M. : L’impudeur doit être absolument présente dans la peinture si l’on veut être confronté à sa propre réalité. Elle peut aussi montrer certaines qualités comme la vérité, la compréhension, l’énergie, la motivation qui pousse à agir. Montrer l’impudeur ne vient pas d’un choix mais d’une incontournable vision permanente de l’humain dans toute sa splendeur.
Bien que beaucoup de mes thèmes soient une transposition d’un vécu ou de “choses” vues, je tente de les mettre en perspective sans pudeur peut-être pour souligner que c’est notre regard qui est impudique. Tout ce que l’œil humain sait faire : enregistrer, observer, fixer, n’implique-t-il pas en soi un aspect impudique, curieux, voire légèrement pervers ? Mes histoires sont des sortes de théâtralisations dans lesquelles les êtres se montrent dans des poses souvent exhibitionnistes, parfois mythiques, embellies d’une pauvre gaieté, parfaitement impuissante cependant en face de la catastrophe qui approche...
A propos du décalage
HJG : Tes personnages semblent toujours être en décalage par rapport à la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils sont « ailleurs ». En général on n’est pas nue quand on passe l’aspirateur, on n’a pas la clope au bec quand on est en robe blanche de mariée…
G. M. : Je ne considère pas mes thèmes en décalage, mais en accord parfait avec la nature humaine ! Une naine assise dans fauteuil n’est pas en décalage, elle est simplement la plus petite femme du monde, ce qui fait d’elle un personnage hors normes, extraordinaire. Une femme de trois cents kilos qui est seule faute de ne pouvoir sortir par ses propres moyens peut être pour moi un sujet rare, précieux qui nous interroge sur l’oubli, l’abandon… Le quotidien a aussi son caractère sensationnel ! L’humour joue alors comme intention positive, peut-être choquant parce qu’alors incompris. Si mes personnages sont en décalage parce qu’ils sont insolites de vérité, ils me demandent une attention toute particulière, une étude, un croquis. Ils nous renvoient à ce que nous sommes, ce que nous faisons. Je sais, c’est en peinture une entreprise longue et ambitieuse, mais j’aime l’idée qu’un fou puisse avoir la force de dix hommes, qu’une femme puisse soulever un camion pour sauver son enfant prisonnier sous les roues… Une façon de montrer que nous sommes capables du pire comme du meilleur !
A propos du plaisir
HJG : Ce qui fascine dans ta peinture c’est cette espèce de plaisir que semblent prendre tes personnages à faire les choses les plus simples, les plus banales, parfois même les plus « bêtes » . Est-ce le reflet d’un plaisir simple ou au contraire très complexe que tu prends à la peindre qui donne cette impression ?
G. M. : Le plaisir, pour moi (parce que mes peintures sont toujours impulsives, à croquer dans le frais) comme pour mes personnages fonctionne chaque fois que la perception du désir répond à ce qu’on attend. Il entre en scène sous une forme émotive, transgresse l’aspect respectueux de la chair pour exercer une fascination plutôt humoristique. Le simple fait qu’un individu soit multiple dans ses apparences, ses loisirs du dimanche, sa bêtise, sa tendresse, son incohérence, sa vérité indigeste, nous révèle un ailleurs, un aspect nouveau, mutant, magnifique d’une sauvagerie spontanée.
Assister aux « ébats amoureux » d’êtres humains quels qu’ils soient, dans l’indolence de leurs heures de loisir, nous pousse à une sorte de voyeurisme, de fétichisme et pour moi à cette envie de les collectionner, de les accumuler et par là même de les protéger en les mettant en scène sous une lumière semblable à celle d’un studio de cinéma.
A propos du calque
HJG. : Dans tes récents travaux tu utilises beaucoup le calque comme support. Pourquoi ?
G. M. : Il offre un accès direct à l’utilisation spécifique de la lumière, de l’éclairage. Il permet des mises en scène iconographiques qui ont la capacité de graver dans nos mémoires une réalité ancrée dans le rêve. Il incite à une plate description de la réalité matérielle qui donne au sujet son importance et met en valeur sa forme.
Propos recueillis par Hélène Jourdan-Gassin, Nice, août 2007
Gilles Miquelis
« sans titre »
Huile sur calque
220x 150cm
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HJG : Il semble que tu n’es pas présent dans ta peinture. Où est ton ego ?
Gilles Miquelis : Il y a une forme de pudeur mais aussi de voyeurisme dans le fait que je me tiens en dehors du sujet. Il y a un recul face à l’état de crise de mes personnages, mais pourtant je m’engage de plus en plus dans ma peinture. Il me semble qu’avant j’étais plus dans l’apparence alors que maintenant, notamment dans ces peintures de couples, je m’attache à entrer dans l’intimité des gens.
A propos de l’impudeur
HJG : peut-on dire que tes personnages qu’ils sont impudiques » ?
G. M. : L’impudeur doit être absolument présente dans la peinture si l’on veut être confronté à sa propre réalité. Elle peut aussi montrer certaines qualités comme la vérité, la compréhension, l’énergie, la motivation qui pousse à agir. Montrer l’impudeur ne vient pas d’un choix mais d’une incontournable vision permanente de l’humain dans toute sa splendeur.
Bien que beaucoup de mes thèmes soient une transposition d’un vécu ou de “choses” vues, je tente de les mettre en perspective sans pudeur peut-être pour souligner que c’est notre regard qui est impudique. Tout ce que l’œil humain sait faire : enregistrer, observer, fixer, n’implique-t-il pas en soi un aspect impudique, curieux, voire légèrement pervers ? Mes histoires sont des sortes de théâtralisations dans lesquelles les êtres se montrent dans des poses souvent exhibitionnistes, parfois mythiques, embellies d’une pauvre gaieté, parfaitement impuissante cependant en face de la catastrophe qui approche...
A propos du décalage
HJG : Tes personnages semblent toujours être en décalage par rapport à la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils sont « ailleurs ». En général on n’est pas nue quand on passe l’aspirateur, on n’a pas la clope au bec quand on est en robe blanche de mariée…
G. M. : Je ne considère pas mes thèmes en décalage, mais en accord parfait avec la nature humaine ! Une naine assise dans fauteuil n’est pas en décalage, elle est simplement la plus petite femme du monde, ce qui fait d’elle un personnage hors normes, extraordinaire. Une femme de trois cents kilos qui est seule faute de ne pouvoir sortir par ses propres moyens peut être pour moi un sujet rare, précieux qui nous interroge sur l’oubli, l’abandon… Le quotidien a aussi son caractère sensationnel ! L’humour joue alors comme intention positive, peut-être choquant parce qu’alors incompris. Si mes personnages sont en décalage parce qu’ils sont insolites de vérité, ils me demandent une attention toute particulière, une étude, un croquis. Ils nous renvoient à ce que nous sommes, ce que nous faisons. Je sais, c’est en peinture une entreprise longue et ambitieuse, mais j’aime l’idée qu’un fou puisse avoir la force de dix hommes, qu’une femme puisse soulever un camion pour sauver son enfant prisonnier sous les roues… Une façon de montrer que nous sommes capables du pire comme du meilleur !
A propos du plaisir
HJG : Ce qui fascine dans ta peinture c’est cette espèce de plaisir que semblent prendre tes personnages à faire les choses les plus simples, les plus banales, parfois même les plus « bêtes » . Est-ce le reflet d’un plaisir simple ou au contraire très complexe que tu prends à la peindre qui donne cette impression ?
G. M. : Le plaisir, pour moi (parce que mes peintures sont toujours impulsives, à croquer dans le frais) comme pour mes personnages fonctionne chaque fois que la perception du désir répond à ce qu’on attend. Il entre en scène sous une forme émotive, transgresse l’aspect respectueux de la chair pour exercer une fascination plutôt humoristique. Le simple fait qu’un individu soit multiple dans ses apparences, ses loisirs du dimanche, sa bêtise, sa tendresse, son incohérence, sa vérité indigeste, nous révèle un ailleurs, un aspect nouveau, mutant, magnifique d’une sauvagerie spontanée.
Assister aux « ébats amoureux » d’êtres humains quels qu’ils soient, dans l’indolence de leurs heures de loisir, nous pousse à une sorte de voyeurisme, de fétichisme et pour moi à cette envie de les collectionner, de les accumuler et par là même de les protéger en les mettant en scène sous une lumière semblable à celle d’un studio de cinéma.
A propos du calque
HJG. : Dans tes récents travaux tu utilises beaucoup le calque comme support. Pourquoi ?
G. M. : Il offre un accès direct à l’utilisation spécifique de la lumière, de l’éclairage. Il permet des mises en scène iconographiques qui ont la capacité de graver dans nos mémoires une réalité ancrée dans le rêve. Il incite à une plate description de la réalité matérielle qui donne au sujet son importance et met en valeur sa forme.
Propos recueillis par Hélène Jourdan-Gassin, Nice, août 2007