Chez les gens.
La vraie maison des Simpson Nous sommes trois femmes assises dans une cuisine relativement petite au vu du reste de la maison. ...
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La vraie maison des Simpson |
Nous
sommes trois femmes assises dans une cuisine relativement petite au vu du reste
de la maison.
Chargée
en bois massif et vernis. Peinte couleur coquille d'œuf...
Quatre
chaises aussi hautes que larges laissent présager un confort défaillant dès que
l'on s'assoit.
Le
plateau de la modeste table est recouvert d'un épais métal galvanisé. Qui dut
être - mode - il y a une bonne quinzaine d'années.
Nous
partageons, les deux femmes et moi, un dîner composé de 14 asperges vertes
grillées au four, de 2 grosses betteraves coupées en lamelles, qui nous ont
laissé les mains ensanglantées, cuites au four aussi.
De
Boulgour dans un ramequin de petite taille.
De
feuilles de salade verte dans un petit ramequin également.
Il y
a sur la table du vin chilien.
De
l'huile d'olive espagnole.
Du
sel himalayen.
Du
jambon en tranches. Collées, amalgamées, les unes aux autres, comme les couches
d'un
millefeuille. C'est rose. Dessalé.
millefeuille. C'est rose. Dessalé.
Mauvais.
Ce
produit charcutier industriel contraste avec le reste de la nourriture bio.
Distribuée avec parcimonie.
A
mes pieds, un chien de 16 ans, qui fut un cocker pour ce que je peux encore en
juger du naufrage dans lequel son âge le noie.
Atteint
de cécité, il bave du sang. Ce n'est pas être aveugle qui l'immunise contre un cancer
de la langue.
Répugnant
spectacle qui me bloque la glotte.
Une
grosse boule de boulgour coagulée à ma salive se forme peu à peu dans ma
bouche. Me rendant muette.
Déjà
sourde à la conversation de deux autres femmes parlant de leur fils hyperactif
et hyper violent soigné à la Ritaline, fils biologique d'un couple mixte
noir/blanc du Maine défoncé au Crack, à l'alcool et au désespoir du néant
culturel, et ne trouvant de repos psycho moteur qu'en écoutant les
One Direction au son totalement saturé tout en tapant comme une brute qu'il est sur
l'iPhone 6 + d'une de ses deux mères adoptives...
Tandis
que l'autre lui beurre des toasts au Nutella... Et au sirop d'agave bio.
Qu'est-ce
que je fous dans ce tableau de l'Amérique des banlieues ?
Des
belles banlieues.
Je
regarde, j'observe, quoiqu'il m'en coûte...
Steinway, Astoria |
On
regarde par les fenêtres nettoyées au Jex qui laisse des traces grasses et
bleuâtres...
On
perçoit l'extérieur déformé... Comme sous LSD. C'est mieux comme ça.
Astoria,
c'est la réplique à l'infini de la maison des Simpson. C'est tout du moins ce
que je me répète comme une méthode Coué... La réalité est tout autre.
C'est
l'architecture de l'ennui. Les tracés au carré. Des avenues qui découpent les
rues comme des arêtes de poisson.
En
fait la maison des Simpson n'existe que dans la banlieue de Las Vegas.
Et
moi je n'y suis pas à la fête...
Je
dois juste réussir à déglutir très vite mon amalgame bio composé de fibres et
de féculents.
Je
scrute chez les gens d'en face avec une attention redoublée, pour avaler sans
plus penser à rien.
En
face est érigé un cube de briques rouges percé de fenêtres larges. Plus
larges que hautes. A fermetures meurtrières comme l'Angleterre et l'Amérique
les aiment.
A
petits carreaux.
Pas
de rideaux.
C'est
drôle cette manie anglo-saxonne de se laisser regarder de partout sans
résistance. En s'offrant même. C'est dérangeant. Indécent parfois... Pourquoi
subir le mauvais goût des gens?
Les
salles à manger orange. Les chambres à coucher bleu pétrole. Les salles de bain
vertes.
C'est
comment à côté d'en face? Pareil.
Pourquoi
a-t-on eu honte de nos corons, les a-t-on massivement détruits alors qu'ici, au
Nouveau Monde, ça m'a l'air d'être ce qui se fait de mieux ?
Peut
être, finalement, une question de discipline.
Ici :
Pas
un papier ne vient engluer le trottoir ou se coller en paquet répugnant dans le
caniveau.
Pas
un mégot de cigarette. L'Amérique ne fume plus. Ça donne le cancer du poumon
m'expliquent les deux femmes qui partagent le dîner avec moi.
Pas
ou très peu de chiens - sauf de très méchants molossoïdes tenus en laisse
sans muselière - pour venir déféquer sur la chaussée.
Cette
propreté accentue encore la prolétarisation globale des habitations.
Cette
Amérique-là on ne la voit jamais. D'ailleurs qui intéressait-elle ?
Personne.
Sauf
les jours où un bambin de quinze ans, sans histoire, aux parents honnêtes, unis,
travailleurs, présents tous les dimanches à l'office, dessoude sans prévenir
vingt camarades de classe à l'arme lourde.
Alors
là, on pénètre dans le cube de briques. Dans sa maison. Et c'est pas la vie de
Bart Simpson que l'on découvre, mais l'univers si "psychiatriquement
nickel" de gens dépersonnalisés parce qu'interchangeables avec les
cousins et les cousins des voisins and so on... Avec tous la même planque pour
les armes. Planque parfaitement connue de leurs rejetons.
J'ai
réussi à tout avaler. Toute mon assiette de boulgour.
Un
vif merci aux chimistes pour le jambon. Il m'est apparu calmant. Rassurant.
Fin.
Dodo.
Le
lendemain, l'enfant hyperactif, hyper violent, l'enfant des deux femmes doit
nous emmener à la fête de son école. Il y aura des jeux, des pizzas, du
coca...
Super !
On
fourre tout ce monde dans le van. Il y a tout de même demi-bloc à descendre,
soit en traînant 5 minutes de marche... Effort impossible à fournir.
On
arrive vite, donc, devant un nouveau bloc de briques rouges plus grand. Plus
large et plus haut qu'une maison individuelle. Bloqué entre le CVS et T'J mark.
La classe.
Le
drugstore et les fringues démarquées.
Jamais
vu ça de ma vie.
Jamais.
Je
suis soufflée.
Je
m'en assois.
Dans
une gigantesque pièce grise et sombre des dizaines de jeux semblables à un
casino, sauf qu'ici on n'y met pas du vrai argent. Mais des pièces que
les enfants enfoncent dans des fentes avant qu'il n'en ressorte des tickets
gagnants pour aller retirer de somptueux cadeaux à l'entrée.
C'est
compliqué... Ça m'ennuie très vite.
Je
regarde ailleurs. Des cohortes de Mexicaines devenues femmes de ménage sans
papiers envahissent l'endroit sinistre.
Le
temps de le dire et c'est une explosion olfactive qui me foudroie maintenant.
Et
fait, ça pue, le gras tiède, un mélange malencontreux de burgers, pizzas,
spaghetti, tortillas...
Waouh.
Elles
bouffent, avalent, enfournent. Leurs ventres compressés par des jeans
élastiques ne remplissant plus leur fonction - tout cacher sans rien montrer -
depuis longtemps laissent vomir de deux à quatre bourrelets jusqu'au soutien-gorge qui lui, a renoncé depuis belle lurette à maintenir quoi que se soit. En
haut, elles portent des t-shirts fuchsia ou turquoise. Jaunes ou rouges. Des
ballerines pailletées aux pieds abîmés, avachis mais vernis "effet
diamants ".
Joli
petit résumé que voilà des USA. On y dépense son argent au jeu contre des
épées gonflables, on y engloutit du gras et du soda. On se lave les mains pour
recommencer le lendemain.
L'argent
avalé par les machines à sous servira au voyage de fin d'année de l'école
publique du district. J'ai vu des ouvriers chinois y laisser 250$, trois fois le
prix du billet d'entrée au zoo du Bronx.
Mais
faut surtout pas montrer qu'on a moins que les voisins...
J'ai
vu des enfants non yankees se voir refuser
les jouets qui leur revenaient grâce à leurs tickets gagnants...
Ça hurle. Ça pleure. Les parents gueulent.
Puis, à
21 heures tout le monde rentre dans sa maison pareille à celle du
voisin...
Parce
qu'on est tous égaux.
Tous
semblables.
Tous
unis.
Tous
ensemble.
Oui
c'est vrai. La maison à trois étages, plus basement,
des deux femmes jouxte la mosquée, elle-même située entre la bâtisse réservée
aux témoins de Jéhovah et le temple baptiste...
L'église
catholique quant à elle est au milieu de la grand rue Main Street réservée aux
Italiens où j'avoue que la pâtisserie est exquise et les pizzas à pâte fine,
des délices de fabrication et de fraîcheur...
Au
parc, au jardin d'enfants plutôt, où je me rends chaque après-midi pour lire le
très épais NY Times, j'ai le temps de me lier à la population féminine
d'Astoria. Certaines portant des tchadri complets il me faut les aider pour
placer les enfants sur les balançoires, entravées qu'elles sont dans toutes leurs
tentatives de mouvements...
Elles
vivent comme toutes les autres femmes de toutes les nationalités et religions du
quartier dans une maison pareille à celle d'une catholique, protestante,
Jéhovah, et autre Krishna, Évangélistes... Baptistes...
Une rue américaine |
Et
si, et si miraculeusement le socle commun de toute cette Amérique qui EST
l'Amérique commençait par l'architecture carcérale certes, mais tellement
dépersonnalisée, tellement égalitaire qu'elle remettrait les compteurs de
toutes les suspicions voire de toutes les haines, à zéro.
C'est
moche, c'est vrai, des kilomètres de maisons toutes semblables les unes aux
autres...
Mais
leur vertu ne tient aucun compte de l'esthétique car leur but est ailleurs...
Elles
semblent nous dire "je ne veux voir qu'une tête. "
De
cette implacable discipline naît fort
probablement une liberté que nous ne connaissons pas ou plus, ayant fermé nos mines et nos aciéries, plus
jamais nous ne vivrons égaux en jardins, fenêtres,
"pièces à vivre"... Peut-être ratons-nous une étape décisive ? Par trop de modernité, par une volonté trop marquée de donner Une histoire à chaque logement...
"pièces à vivre"... Peut-être ratons-nous une étape décisive ? Par trop de modernité, par une volonté trop marquée de donner Une histoire à chaque logement...
*Quête
caduque.
Sonia
Dubois.
Meilleures pensées.