Claude Lelouch, "Un parfum de vérité"
Claude Lelouch "La caméra et la musique sont les plus grands acteurs de mes films ! " Y a-t-il dans cette phrase en sous-ti...
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Claude Lelouch |
Y a-t-il dans cette phrase en sous-titre, prononcée par Claude Lelouch, un excès de satisfaction ou, au contraire, de modestie ? On ne le saura pas, malgré les deux heures et demie passées avec le réalisateur, le 4 avril 2014, à la Cinémathèque de Nice.
Avant de rendre compte de cet entretien dense sur le
cinéma, j’ai eu envie de vous parler de… Odile Chapel !
Odile, c’est un personnage incontournable à Nice et
pourtant, on la voit peu et on ne dit pas assez combien est admirable sa façon
de sélectionner, d’inviter et présenter les grands metteurs en scène et les
acteurs internationaux qu’elle fait venir à la Cinémathèque pour nous parler
longuement de cinéma… Toutefois, lorsqu’elle prend la parole, le micro à la
main, pour rendre hommage à ses invités, on est impressionné par le
professionnalisme, l’élégance et le naturel de cette belle femme en noir (je
n’ai jamais vu Odile habillée autrement), dont la voix douce et précise nous
charme dès le premier instant.
Un peu d’histoire est nécessaire cependant pour mieux
cerner le personnage… Toute jeune, Odile Chapel, passionnée de cinéma, obtient
le soutien d’Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française, pour créer
la Cinémathèque de Nice, qui sera inaugurée par Dennis Hopper le 3 juillet 1976.
L’objectif de cette structure est de permettre au public
niçois d’avoir accès aux films du patrimoine cinématographique mondial, mais
aussi, au cours des années, de développer des activités annexes : diffusion,
conservation, formation et édition.
A l’occasion de la commémoration du centenaire de la
naissance du cinématographe, la Cinémathèque de Nice organisera en 1996 un colloque réunissant l’ensemble des cinémathèques
françaises, à l’issue duquel sera créée la Fédération des Cinémathèques et
Archives des Films de France (FCAFF).
Membre associé, depuis 2005, de la Fédération Internationale
des Archives du Film (FIAF), la Cinémathèque de Nice est classée par la Direction
du patrimoine du CNC (centre national du cinéma et de l’image animée) en
quatrième position, après les Cinémathèques de Paris, de Toulouse et l’Institut
Lumière à Lyon.
Aujourd’hui, la Cinémathèque offre, au cours de chaque
mois, une excellente programmation de films classiques ou plus récents,
présentés sous une thématique, ainsi que la fameuse leçon de cinéma !
Je dis fameuse, car de Claude Sautet à Claude Lelouch,
nous avons pu connaître les secrets de Sydney Pollack, Ken Loach, Bertrand
Blier, Arthur Pen, Andrzej Zulawski, Peter Greenaway, Bertrand Tavernier,
Georges Lautner, Ettore Scola, Stephan Frears et j’en oublie…
Mais revenons à Claude Lelouch et à sa présence
chaleureuse - il fut très applaudi - pour dire que sa prestation fut en demi-teinte :
passionnante quant à sa vie ; nous laissant un peu sur notre faim quant à
l’analyse de ce qui, fondamentalement, fait un film.
Enfant de la guerre, puisque né juste avant, Claude et
ses parents, juifs, doivent se cacher et ce sera souvent dans la région de
Nice. De ces moments-là, il garde, comme tous les enfants (et j’en sais quelque
chose) d’extraordinaires souvenirs, très vite liés chez lui au cinéma. Sa mère,
prudente, le dépose des après-midi entiers dans les salles obscures, plus sûres
que la rue pendant l’Occupation, dans lesquelles il voit les films en boucle et
appréhende ainsi, précocement, pas mal des mécanismes du cinéma. Son père lui
offre une caméra super 8 avec laquelle le petit Claude va filmer tout ce qui
lui tombe sous l’œil et dont il deviendra aussi le principal acteur (c’est Coco
en famille)… Comprenant la passion que son fils nourrit pour l’image qui semble
le former mieux que l’école, son père va acheter à Claude une caméra ETM16 mm,
qui deviendra l’outil de travail de ses débuts…
Il tourne des documentaires, notamment en URSS où, pour pouvoir
partir, il s’inscrit au parti communiste. Moins visible avec sa caméra qu’une
équipe de télévision, il prend ce qu’il peut de ce qu’il voit et de qui il rencontre
(incroyable récit du moment où Mikhaïl Kalatozov, qui tourne "Quand passent les cigognes", le
laisse filmer la scène tourbillonnante de l’escalier gravi par Boris, le
laissant se placer en haut dudit escalier…). C’est sans doute là qu’il va comprendre
ce qu’il nous a révélé l’autre soir : " La caméra et la musique sont
les plus grands acteurs de mes films ! "
Voilà ce que nous dit Claude Lelouch de quelques-uns des
instants de sa vie.
C’est pourquoi la leçon de cinéma est, avec lui, la leçon de vie, cette vie qui
est, dit-il, le plus beau projet de cinéma, le meilleur scénario, le plus grand
polar !
Viennent ensuite quelques-unes des astuces de cet
autodidacte pour rendre son art naturel, comme faire répéter moultes fois des
scènes et ne pas dire que certaines seront gardées au montage (une feinte qu’il
a employée au Cinéma des Armées pour faire jouer des gradés, très mauvais
acteurs par définition).
Pour souligner l’importance du montage, Lelouch a une
formule : "Dans un film, il y en a trois : le
film qu’on écrit, le film qu’on tourne et le film qu’on monte" et une
anecdote : (au sujet d’ "A bout de souffle", mal fichu en première
projection et entièrement remonté par Godard, quelques jours après,
génial !)
Dans tous ces souvenirs, longuement évoqués ou suscités
par les questions enthousiastes de Jean-Jacques Bernard, journaliste, et Jean Ollé-Laprune, historien et co-auteur de
l’ouvrage : Claude Lelouch : mode
d’emploi (Calmann-Lévy, 2005), dans les extraits de films choisis par ces
deux intervenants, on découvre ce que Lelouch, lui-même, nomme « un parfum de
vérité ».
Cinémathèque de Nice
3, esplanade Kennedy
06300 Nice