"HER"
Theodore Twonbly (Joachim Phoenix) Je suis toujours en retard d’un commentaire, tant les films que je vais voir en ce moment m’int...
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Theodore Twonbly (Joachim Phoenix) |
Je
suis toujours en retard d’un commentaire, tant les films que je vais voir en ce
moment m’intéressent. C’est le cas avec Her, le dernier film du réalisateur américain Spike Jonze dont
j’avais déjà beaucoup apprécié « Dans la peau de John Malkovitch ».
Dire
que déteste la science-fiction et tout ce qui s’éloigne plus ou moins de la
réalité (enfin, de la mienne…) serait exagéré, mais c’est vrai que je boude
volontiers les épopées à effets spéciaux ou les voyages extraordinaires dans l’espace,
sauf peut-être 2001 : l’Odyssée de l’espace (mais c’était
Kubrick, et malgré ça, je m’y suis parfois un peu ennuyée…).
En
revanche, la fiction cinématographique, lorsqu’elle flirte avec le conte
philosophique, recueille tous mes suffrages. Aussi, après avoir dit tout le
bien que je pensais d’Only Lovers Left
Alive de Jim Jarmusch, j’en fais de même pour le dernier Spike Jonze, sans chercher
pour autant à comparer les deux réalisateurs.
Pour
Her, l’argument est simple : Theodore Twombly (Joachim Phoenix), un homme
assez banal dont le travail quotidien consiste à écrire des lettres pour
d’autres (sorte d’écrivain public contemporain) vit dans une ville qu’on nous
dit être Los Angeles, mais qui ne lui ressemble pas (on aperçoit parfois des
signalétiques en chinois) et habite un building luxueux, peu différent de ceux
qui existent aujourd’hui. La technologie y est à peine plus avancée, écrans
géants, jeux d’intérieur sous forme d’hologrammes et échanges entre les
individus équipés d’oreillettes leur permettant d’avoir vocalement accès à toutes
sortes d’occupations quotidiennes…
Theodore dans la Ville |
On
est là dans un futur soft, à peine éloigné de nous, jusqu’à ce que cet homme
seul et en plein divorce, fasse l’acquisition d’un programme informatique
d’intelligence artificielle dont l’interface est une voix de femme et… qu’il en
tombe amoureux… Comment opère la
voix pour emballer son utilisateur ? Elle se présente, Samantha, et d’emblée entre dans l’univers de Theodore ; Elle lui lit ses e-mails, lui
propose d’y répondre, range et trie ses adresses (qui n’a pas rêvé qu’on le
fasse), assume immédiatement tous ses problèmes quotidiens : banque,
administration, propositions diverses, invitations… et les gère avec intelligence.
En un rien de temps, elle se rend indispensable, tout en bavardant avec un
incroyable sens de l’humour et une sorte de tendresse pour son
« client »… Quasiment impossible de ne pas être séduit par tant de qualités
et, cerise sur le gâteau, comment ne pas tomber amoureux quand cette voix
chargée de sensualité débordante, est celle de Scarlett Johansson (d’aucuns
trouvent que l’incarnation est trop présente et qu’elle affaiblit le propos du
film, moi pas).
A
partir de là, l’aventure passionne ou divise, mais elle engage, en tout cas,
une réflexion profonde, je dirais même, métaphysique sur ce que sont les
rapports humains, leurs limites et leurs dépassements …
S’ensuit
une série d’interrogations qu’on peut se poser sans, évidemment, trouver les
réponses…
Le
rapport physique : Theodore est
amoureux, Samantha l’est aussi, et ils vivent une relation intense comme celle
des couples séparés par des distances matérielles. Mais peut-on aimer ce qui
n’existe que virtuellement ? Theodore le peut, lui qui a un corps,
Samantha pas, ce qui la fait souffrir…
La
jalousie : Theodore redoute que Samantha, intelligence artificielle, ait des
relations amoureuses avec d’autres utilisateurs et elle confirme ses craintes.
La
transcendance : Samantha parle à Theodore de rapports qu’elle a avec un
écrivain décédé : on peut en effet imaginer qu’une intelligence
artificielle n’ait pas les mêmes barrières par rapport à la mort que les vivants…
L’esprit
: la totalité du programme d’intelligence artificielle disparaît soudain des
écrans et Theodore n’a plus aucune possibilité de joindre Samantha. Est-ce que quelque chose de Samantha continue quand
même à exister dans un autre espace-temps ?
En dehors de toutes ces questions qu’on peut d’ailleurs ne pas se poser, le monde de Spike Jonze n’est pas si éloigné du nôtre. Dans nos rues comme dans les siennes, les passants conversent avec des interlocuteurs absents ; les gens se rencontrent et font l’amour par l’intermédiaire de leurs écrans ; nos programmes informatiques sont, aujourd’hui, des robots qui n’ont plus besoin, pour être efficaces, d’être matérialisés en de ridicules machines…
Enfin,
si tout l’argumentaire repose sur la voix, les images n’en sont pas moins
belles, noyées dans une lumière solaire… Les intérieurs comme les extérieurs
sont subtilement inidentifiables, pas plus que les codes vestimentaires des personnages
qui oscillent entre les années 30 (moustache et pantalons à
taille haute de Joachim Phoenix) et les années 60 (couleurs et styles). C’est
aussi une belle histoire d’amour que j’espère ne pas avoir trop dévoilée, mais
je crois qu’il vous reste encore quelques belles surprises.