A propos de Benetti par Stephane Penxten
Mauro Benetti (…) « Benetti, c'est l'Italie de Rafaël et du Caravage, de Masaccio et de Vinci, d'Uccello et de Botticel...
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(…) « Benetti, c'est l'Italie de Rafaël et du Caravage, de Masaccio et de Vinci, d'Uccello et de Botticelli. Mauro, c'est l'enfant de Mario Merz et de Marinetti, de Luciano Fabro et de Piero Manzoni, de Pino Pascali et de Lucio Fontana. Italien, vivant à Turin, il l'est plastiquement dans ses tentatives de conjuguer l'espace sensible à la dimension du concept; il l'est artistiquement dans sa volonté d'imbriquer l'analytique et le poétique; il l'est humainement dans son besoin d'associer le mystère à la séduction. A la fois grave et futile l'homme aime se rappeler qu'il est un enfant. L'artiste, lui, n'oublie pas qu'il veut aussi s'amuser, s'étonner.
L'ambivalence post-conceptuelle
Comme beaucoup d'autres de sa génération, Benetti ne peut pleinement adhérer au seul concept comme finalité de l'art. Pas plus qu'il ne peut se chausser des simples principes tautologiques d'un art minimal ou pauvrement référentiel. L'art dans son objet est aussi matérialité, cristallisation de l'affect, expression du sensible autant que support de la mémoire, champ d'investigation et espace expérimental. S'il est impensable aujourd'hui de réfuter l'inamovibilité du concept, il est tout aussi impensable de s'en contenter sous peine de stériles redondances. Cette conscience nouvelle qui veut marier Apollon et Dyonisos se traduit chez Benetti par une volontaire perversion des genres, mais sans souci de l'ambigüité, trop savante. Il dénature en toute innocence. Benetti se veut peintre mais hors du champ littéral de la peinture: au-delà de simples rapports entre la surface et la couleur, entre la forme et la matière ». (…)
Espace de vie
La partie pour le tout, la goutte d'eau comme infini dans l'immensité océane c'est l'histoire de l'artiste et de l'œuvre inscrite dans le territoire de sa peinture. Une loupe de verre imbriquée dans la toile dévoile des espaces sous-jacents. Ici l'atelier, son lieu de vie et son espace de création; là, une cloche, un élément de son environnement sonore. De l'autre côté de la peinture, l'œil collé au globe de verre, le visiteur bascule dans l'histoire, l'anecdote, le vécu, l'infra-mince, l’'inattendu. Col1é au tableau, l'œil n'aperçoit plus la peinture et découvre un minuscule espace de vie, une particule de temps.
Tout comme l'astronome que l'œil vissé à la lorgnette projette dans l'infiniment grand, tout com me le biologiste que le microscope aspire dans l'infiniment petit. L'universel où se tient-il si ce n'est toujours ailleurs et donc forcément en nous ?
Benetti voyage sans cesse du macro au micro. Mais il est de ces voyageurs immobiles que la barque de l'esprit et de la rêverie transporte sur les océans de la mémoire. Le monde qu'il transcrit, l'espace qu'il développe sont siens, construits de ses propres émotions. L'histoire des sa peinture est avant tout la peinture de son histoire, son propre espace de vie. (…)
Espace et dimension
L'espace de la peinture ou la peinture de l'espace, entre ses deux dimensions Benetti ne choisit pas. Il intègre la couleur et l'objet. Il fusionne peinture et espace. Il fait de la peinture une affaire de dimension. Espace et temps sont intégrés dans un rapport d'ambivalence. Peinture et sculpture; volume et surface n'échappent pas à cette même conception cosmogonique. Un fil réel ou virtuel les associe dans plusieurs pièces. Tantôt dessiné sur la toile, tantôt s'extrayant de la toile, ce fil tisse inlassablement, tel un I lRuban de Moebius, les liens qui relient la mémoire et les faits, l'abstrait et le concret, la peinture et l'art, le mythe individuel à la perception collective. Dualité serions nous tentés de dire alors qu'il faut écrire ambivalence. Ambivalence des signes de la peinture et de la peinture elle-même, ambivalence du lieu de la peinture et de l'espace de la peinture.
Stephane Penxten
(octobre 1992)