Je n'ai pas les mots pour le dire.
Ce matin, j’ai mis un drapeau à ma fenêtre et regardé la cérémonie aux Invalides en l’honneur des cent trente morts des attentats du ...
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Ce
matin, j’ai mis un drapeau à ma fenêtre et regardé la cérémonie aux Invalides
en l’honneur des cent trente morts des attentats du 13 novembre… A l’énoncé de
leurs noms et de leur âge, oui, on a raison de dire que c’est une partie de
notre jeunesse qui a été fauchée et mon émotion a été immense. J’ai pleuré
comme si figurait parmi eux un enfant, un parent, un ami.
Cette
cérémonie, et c’est bien la preuve que de tels moments ne sont pas inutiles, a
libéré ma parole alors qu’hier encore, j’écrivais ces quelques
mots : « Après les attentats du 13 novembre 2015 en France, est-ce
l’horreur, le chagrin, la colère, l’incompréhension qui me murent dans le
silence, ou alors ce trop-plein de paroles, de prises de positions, de
célébrations pour commenter l’indicible, qui noue ma gorge et empêche même
mes pensées de s’articuler correctement dans ma tête ?
Seulement
cette impossibilité éprouvée n'est pas une impossibilité prouvée : ce n'est pas
parce qu'on n'a pas trouvé les mots pour dire quelque chose que ce n'était pas
possible absolument parlant. Qu'on ait été incapable de dire quelque chose ne
signifie pas nécessairement qu'il était absolument impossible de le faire ! En
outre, on pourrait renverser l'interprétation qu'on donne de cette
impossibilité : au lieu de soutenir qu'on n'a pas pu dire ce que l'on pensait,
on pourrait dire que c'est parce qu'on n'avait en réalité rien à dire qu'on n'a
pu le dire…
On
l'a compris, il s'agit de savoir quelles sont les causes qu'on peut trouver
pour expliquer ce phénomène, cette expérience, et à partir de là, de savoir si
ces causes permettent de dire qu'il existe en effet des choses qu'on ne peut
pas dire ou si cette expérience n'est en réalité qu'un malentendu.
Et,
pour commencer, à quelle cause pourrait-on songer pour s'expliquer cette
impossibilité de dire ce que l'on pense, sinon au locuteur lui-même et à ses
déficiences expressives (…). »
Oui,
c’était en effet de déficience expressive que je souffrais pour dire
l'ineffable, l'indicible, cette impossibilité d’exprimer ce que j’avais à
l'esprit.
Ce
matin l’émotion, la vraie, celle du cœur et non de la pensée, m’a réveillée de
cette anesthésie. Tout avait un sens, la solennité de l’hommage, la présence
des familles protégées par l’absence des images, la rigueur militaire, le
recueillement de tous, le silence, même les paroles du Président de la
République.
Loin
des postures guerrières des jours passés, François Hollande a su dire sa
compassion aux familles pour ces vies fauchées par une horde d’assassins. Il a
incité cette génération, désormais appelée la
génération Bataclan, à prendre sa vie en mains, à combattre, s’il le faut,
pour préserver les valeurs de la République…
Et
puisque j’entends, et c’est nouveau, citer Jacques Prévert (si longtemps
oublié) dans les discours officiels comme dans les réseaux sociaux, je le laisserai
conclure : «Il faut essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner
l’exemple. ».