Georges Lautner
Dans la grande salle voûtée du « Moulin » de Georges Lautner à Grasse, on se croirait revenu au bon vieux temps ! Des fils électriques coure...
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Dans la grande salle voûtée du « Moulin » de Georges Lautner à Grasse, on se croirait revenu au bon vieux temps ! Des fils électriques courent partout, les projecteurs sont sur leurs pieds, les ingénieurs du son tendent leurs perches, la caméra est en place, les chiens se taisent (miracle), le chef opérateur demande s’il y a le point, silence : « on tourne » !
C’est dans cette ambiance très particulière que j'ai demandé à Lautner d’évoquer quelques souvenirs de travail à Nice, en particulier à l’hôtel Negresco, pendant que se fabrique sur lui « Empreintes », un documentaire de 55 minutes que les téléspectateurs verront sur France 5, en septembre 2011. On doit ce document, qui s’annonce à la fois tendre, truculent et irrévérencieux (si on en juge par les bribes glanées au cours de la journée), au projet de Dominique Ambiel, son producteur (« Cinéma, cinéma », « Cinéma de notre temps »…) et à Vincent Roger, son réalisateur, qui interroge et filme Lautner, passé maître en autodérision !
Durant une pose, je demande à Georges ce que le Negresco évoque pour lui.
Il s’attendrit : « Le Negresco, c’est Nice pour moi ! Ce bâtiment blanc et majestueux promenade des Anglais - c’est spectaculaire - oui, mais pour moi ? D’abord, je suis né dans la rue qui le borde, 10 rue Cronstadt, au Palais Cronstadt, on appelait les immeubles comme ça ! C’est là, au 3ème étage, que ma mère a accouché ! J’ai été baptisé dans l’église derrière. Et puis… si mes souvenirs sont bons, mon grand-père maternel y a travaillé - il était portier de nuit, je crois - il a fait tellement de métiers de cette sorte que je mélange tout…
Le Negresco, mes acteurs le fréquentaient, c’était la tradition et la trésorerie des films était d’accord mais nous, les intermittents du spectacle, il fallait qu’on coûte moins cher…
Mon premier souvenir exceptionnel - c’était lors du tournage de « Ne nous fâchons pas ». Lino Ventura logeait au Negresco. Il était mécontent parce que le film était trop comique. Il trouvait le jeu de Jean Lefebvre, qui se faisait gifler, drôle mais répétitif. Il a exigé la venue de notre producteur, Alain Poiré de chez Gaumont. Moi, bon technicien, je me levais à 5 heures ; déjeunais à 11 heures (avant, je fabriquais la journée) ; on tournait de midi à 7 heures et demie, puis on projetait à la Victorine le travail de la veille. Je pensais voir Lino à 20 heures. Pas du tout. Il avait organisé la soirée dans un restaurant italien, et après un dîner délicieux mais long et copieux, nous eûmes la réunion au sujet de notre mésentente dans le salon du Negresco. Et là, dans un fauteuil à haut dossier, j’ai été terrassé par le sommeil. J’ai choisi de dormir… Quel désastre ! On s’est séparé dans un drame. Michel Audiard et moi, on marche dans la rue, histoire de se détendre, et on se marre. Tout d’un coup, on croise Lino qui, nous voyant rire, est persuadé que c’est à ses dépens… La fin du film fut pénible et je n’ai plus jamais travaillé avec Ventura. Ce n’est pas toujours facile, le Negresco !
J’y ai aussi habité avec Belmondo, c’était merveilleux. Je me souviens d’une histoire… Je ne sais si tout est vrai mais elle est belle. Belmondo a grimpé vers sa chambre par l’extérieur de l’hôtel, le long de la façade. Sa chambre était au 4ème étage. Arrivé là, il a défoncé la fenêtre pour entrer. Oui, mais ce n’était pas sa chambre !
Oui, le Negresco c’est plein d’histoires » !
Notre Tonton flingueur, durant cette tirade, en oublie la scène du billard dans Les Seins de glace, tournée au Negresco… Les amis, Robin Davis, metteur en scène, qui fut son assistant pendant dix ans, et Elisabeth Guido, son assistante monteuse, le lui rappellent ainsi que d’autres anecdotes tout aussi croustillantes…
Georges Lautner, dont le père était bijoutier à Nice et dont la mère, la comédienne Renée Saint-Cyr, était née à Beausoleil, a toujours adoré la Côte d’Azur. Il y a acheté dans les années soixante un ancien moulin à huile à Grasse, qu’il habite souvent, de préférence à Neuilly… Par fidélité à sa région natale il a tourné dix-huit de ses quarante-deux films sur la Côte : Il était une fois un flic ; On aura tout vu ; Joyeuses Pâques, etc.
Un hommage lui sera rendu par la Ville de Grasse du 14 au 22 septembre 2011.
Le Negresco Magazine,printemps/été 2011