Respire !

Mélanie Laurent

Je m’aperçois avec étonnement que je n’ai plus rien écrit sur un film depuis le Festival de Cannes et son époustouflant Mommy. En ai-je vu qui méritaient qu’on en parle, sûrement, et pourtant ils ne m’ont pas poussée à prendre la plume… Peut-être est-ce à cause du soleil qui a tendance, les mois chauds de la Côte d’Azur, à me tenir éloignée des salles obscures, ou alors grâce à la diversité et la richesse des expositions dans les musées et galeries, ou enfin, parce que mes vacances ont été longues et belles et n’est-ce pas là le plus passionnant des cinémas ?

Un long mois de pluie m’a poussée à ne pas laisser passer Respire, le dernier film de Mélanie Laurent qui, s’il n’a pas eu les grandes faveurs du public, m’a pourtant attirée pour diverses raisons.

D’abord j’aime Mélanie Laurent car elle a en elle, veuillez excuser cet oxymore, une force fragile qui sublime sa beauté de comédienne et donne au deuxième film qu’elle réalise, scénarise, coproduit, un parfum très spécial qui m’impressionne.

A l’inverse, c’est, sans doute, ce cumul de qualités qui en énerve plus d’un, et aboutit au Mélanie /Bashing de ces derniers temps, aussi violent qu’immérité.

Respire est le récit bouillant, bruyant, poignant, de l’emprise psychologique d’une lycéenne sur une autre, défendu par le jeu magnifique de deux jeunes actrices dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Je ne comprends décidément pas ce qui a fait crier au génie pour le film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle et naître chez la critique et surtout dans le public (mais l’un n’est-il pas la conséquence de l’autre), ce petit regard condescendant au sujet du film de Mélanie Laurent.

Si je rapproche ces deux films, c’est qu’ils parlent pratiquement du même sujet, l’amour adolescent, mais traité d’une façon absolument opposée.

Joséphine Japy, Charlie

Le physique et l’immense talent des deux principales interprètes, Adèle Exarchopoulos pour Adèle d’Abdellatif Kechiche et Joséphine Japy pour Charlie de Mélanie Laurent, font naître chez ces deux metteurs en scène des regards bien différents : tout en sensualité extravertie pour Kechiche, tout en intériorité et sensibilité chez Mélanie Laurent. L’un s’est employé, et même attardé (trois heures de projection) à décrire l’emprise du sexe sur une adolescente, l’autre a disséqué

l’aliénation mentale qu’une passion corrosive peut provoquer chez une jeune fille.

Lou de Laâge, Sarah

Le parallèle s’arrête là car Respire, ce film inspiré du livre éponyme d’Anne-Sophie Brasme, fait le portrait d’une jeune perverse narcissique, Sarah, s’essayant à la manipulation sur une autre jeune fille, Charlie, dans le cadre d’une année scolaire dans un lycée. Ce temps compressé, qui n’est pas celui du livre (il se déroule sur plusieurs années) est peut-être ce sur quoi bute Mélanie Laurent, tant il est difficile de rendre crédible sans tomber dans le cliché, le tissage en toile d’araignée hautement toxique d’une manipulatrice perverse.

Isabelle Carré

Autre piège, l’ambiance « très fille », bébête, bruyante et excitée du début, heureusement sauvée par la magnifique présence intentionnellement immature d’Isabelle Carré (réalisateurs, donnez-nous beaucoup plus souvent de l’Isabelle Carré !).

Je dirai enfin que Mélanie Laurent, avec Respire, a fait un beau film, bien pensé, bien construit, bien réalisé, bien joué, qui a largement mérité cette standing ovation pour ses deux jeunes actrices à la Semaine des Réalisateurs au Festival de Cannes, et de l’estime pour sa réalisatrice, qui occupe désormais une place importante dans le cinéma français.

Joséphine Japy, Mélanie Laurent, Lou de Laâge